Réflexions de l’abbé : portes ouvertes
22 janvier 2025
Chers frères et soeurs,
Aujourd’hui, je vous écris de Corée où ma propre Congrégation tient un chapitre général à l’abbaye de Waegwan, avec 130 moines, l’une des plus grandes communautés de l’ordre. Le chapitre était devenu nécessaire parce que la Congrégation d’Ottilien devait trouver un nouvel abbé président après que je sois devenu Abbé Primat. Vous trouverez davantage d’informations à ce sujet dans la section Nouvelles bénédictines et Élections de ce numéro de NEXUS.
La Corée traverse actuellement une période de troubles car le président a tenté de saper les institutions démocratiques du pays en déclarant la loi martiale il y a un mois. Les institutions se sont toutefois révélées résilientes, et le président est actuellement en détention tandis que les prochaines étapes sont en cours de négociation. Il s’agit là d’un des nombreux exemples d’un monde qui semble changer de manière dramatique, et malheureusement l’un des plus inoffensifs.
Depuis Noël dernier, notre Église catholique a ouvert cinq Portes saintes sur ce monde. Ce sont des portes de miséricorde, des rappels ouverts de la présence et de l’accessibilité de Dieu. Chacun est invité à franchir les seuils de ces Portes saintes, quelle que soit sa confession. À Saint-Pierre seulement, plus d’un demi-million de personnes ont franchi la Porte sainte dans les premiers jours, et il y a quelques jours, j’ai vu une longue file d’attente devant Sainte-Marie-Majeure. Le 5 janvier, je me suis rendu à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs où la dernière de ces portes a été ouverte. Le cardinal Harvey, archiprêtre de la basilique, a présidé cette cérémonie digne. Saint-Paul est bien sûr le siège d’une communauté bénédictine vivante. De nombreux confrères de Sant’Anselmo et d’autres maisons bénédictines se sont rassemblés pour rejoindre les moines de l’abbaye et franchir ensemble la porte ouverte de l’amour de Dieu en tant que communauté. J’ai été profondément touché par le symbolisme de cette porte ouverte. Cela ne nécessite pas beaucoup d’explications. Toutes les cultures comprennent l’importance des portes, des portails et des seuils, dont le mot latin nous a donné l’adjectif « liminal » pour décrire une expérience de transition. Chacun saisit ce que signifie qu’une porte ait été ouverte.
Le pape François a placé cette Année sainte sous la devise du Pèlerinage d’Espérance. La bulle papale par laquelle il a annoncé cette année de grâce était intitulée : Spes Non Confundit. L’Espérance ne déçoit pas. Pour nous, bénédictins, le latin résonne avec le texte du Suscipe, l’antienne qui, dans tant de nos monastères, est chantée pendant le rite de profession. Et ne confundas me ab exspectatione mea. Ne me laissez pas être confondu dans mon espérance. Un jubilé très bénédictin, donc. Espérons-le.
On m’a récemment rappelé que l’espérance n’est pas une grâce ou un don, mais plutôt une vertu. Nous ne parlons pas beaucoup de vertus de nos jours, et peut-être devons-nous revenir aux vertus plus énergiquement. En tout cas, les vertus — plutôt que d’être simplement un don d’en haut, sont le résultat d’une pratique constante. Quelque chose à entraîner et sur quoi travailler, ou partie de notre pratique ascétique, en d’autres termes. Je trouve cela plutôt d’actualité. De temps en temps, j’entends de la part de moines et d’autres qu’ils sont découragés quand ils entendent des dirigeants et des confrères parler avec désinvolture d’être les derniers de leur communauté, ou de quelqu’un devant éteindre la lumière quand tout le monde sera parti. « Qui sera encore là dans 20 ans ? » Eh bien, personne si ces voix prennent le dessus, c’est clair. Je ne pense pas que nous devrions nous mentir sur les perspectives de certaines de nos communautés. Mais il y a une différence entre un réalisme sobre — qui est une façon d’exercer une humilité véridique — et des propos désinvoltes et cyniques qui démoralisent et sapent la force, l’énergie et la bonne volonté des frères. Il y a peut-être une façon de mettre en œuvre l’Année sainte : en favorisant et en nourrissant l’espérance, non pas comme un optimisme aveugle, mais comme une façon de garder les portes ouvertes à l’action de Dieu dans nos vies et dans nos communautés.
Très fraternellement,
Abbé Jeremias OSB
Abbé Primat

